Les commotions cérébrales sont un problème dans de nombreux sports différents, mais les joueurs de rugby semblent en souffrir plus souvent que les autres athlètes. C'est parce que le jeu de rugby est si physique et que les joueurs doivent être capables à la fois de donner et de prendre un coup avec leurs adversaires.
AFP - En écho aux préoccupations croissantes sur les lésions neurologiques liées au rugby, l'Argentine, nation phare du continent américain dans ce sport, mène une étude approfondie au long cours sur les séquelles chez des joueurs ou anciens joueurs.
Première de ce genre en Amérique latine, la Fleni (Fondation de lutte contre les maladies neurologiques), lancée en février, vise 140 volontaires, joueurs ou anciens joueurs entre 35 et 75 ans ayant pratiqué le rugby au niveau amateur ou professionnel pendant au moins cinq ans.
La méthode porte sur un suivi en continu sur 12 ans avec des évaluations multidisciplinaires, notamment un examen neurocognitif tous les deux ans, et des questionnaires aux anciens joueurs et à leurs familles, a expliqué cette semaine à l'AFP Julieta Russo, neurologue cochargée de l'étude.
Elle suivra des joueurs ayant évolué à différents postes, pour déceler un éventuel impact différencié, à l'image du football, où il a été démontré que le jeu de tête est "la situation de jeu qui prédispose le plus à la commotion cérébrale". Faisant des défenseurs les joueurs qui présentent les impacts cognitifs les plus importants sur le long terme, selon le Dr Russo.
L'étude vise aussi à affiner des perceptions sur les lésions cérébrales, mettant en relief la difficulté de la détection, notamment l'idée fausse selon laquelle une commotion implique une perte de connaissance, qui ne représente que 10% des cas. "Le principal facteur de prédiction d'une détérioration cognitive de nos jours est la durée de la carrière sportive, non le nombre de commotions effectivement recensées", souligne-t-elle.
L'étude ne livrera ses conclusions finales qu'après 12 ans, mais Fernando Salvat, neurologue et ancien rugbyman de haut niveau co-responsable de l'étude, souligne que les efforts de prévention ne sauraient attendre.
"Il est par exemple essentiel d'améliorer la technique du plaquage, où résident 95% des risques de commotion en match. Il faut inculquer dès les catégories jeunes de le faire avec les deux épaules, de bien cadrer ", a déclaré Salvat.
La santé cérébrale des joueurs de rugby est, ces dernières années, une préoccupation croissante des instances du sport et des pratiquants eux-mêmes, avec des initiatives de recherche --France et Angleterre aussi ont mené ou mènent des études--, d'éducation, et de prévention. Mais aussi avec des procédures judiciaires, comme celles que préparent d'anciens internationaux atteints de troubles neurologiques, tels l'Anglais Steve Thompson et le Gallois Ryan Jones, contre leurs fédérations et World Rugby.
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